Le Vendredi 27 octobre 2023 à 11h nous aurons le plaisir d’accueillir Pauline Gury, doctorante LMC2 sous la direction de Nathalie Ehrlé et Pauline Narme pour la présentation de ses travaux de thèse.
Résumé : Dans le domaine de la cognition sociale, le versant perceptif commence à être bien documenté (i.e. reconnaissance des émotions, théorie de l’esprit) alors que le versant productif reste méconnu. A l’heure actuelle, la seule technique permettant de quantifier la production d’expressions émotionnelles est l’électromyographie. Bien que très précise, sa lourdeur méthodologique réduit le nombre de protocoles et ne permet pas un transfert aisé à la pratique clinique. Le premier objectif de cette thèse était d’évaluer la faisabilité de quantifier les expressions faciales grâce à l’observation d’enregistrements vidéos. Nous avons appliqué cette méthodologie pour un processus de bas niveau (congruence émotionnelle faciale) et un processus de haut niveau (humour), ces deux processus pouvant entraîner des expressions faciales joyeuses, a priori faciles à décoder. Le deuxième objectif de cette thèse était de vérifier l’applicabilité de notre méthodologie chez des patients cérébrolésés. Nous avons inclus des patients porteurs de tumeurs cérébrales dans des zones connues pour être impliquées dans le système des neurones miroirs et dans l’humour (zones cérébrales pariétales et frontales), puis appliqué nos protocoles à un groupe de patients atteints de sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR). Pour valider notre méthodologie, nous avons créé une tâche de congruence émotionnelle faciale et administré la tâche de détection d’humour de la batterie de cognition sociale, au cours desquelles les participants étaient filmés. Dans la première partie expérimentale, nous avons administré notre protocole à 22 et 20 participants sains pour la tâche de congruence émotionnelle faciale (étude 1) et d’humour (étude 2) respectivement et à 4 patients porteurs de tumeurs cérébrales. Dans la deuxième partie expérimentale, nous avons administré une version optimisée de la tâche de congruence émotionnelle faciale (étude 3) et la tâche de détection d’humour (étude 4) à 25 participants sains et 25 patients atteints de SEP-RR. Deux cotateurs ont quantifié a posteriori les expressions faciales joyeuses produites en termes de présence/absence, d’intensité et de nombre. Les résultats de nos études préliminaires attestent de la faisabilité de quantifier les expressions faciales joyeuses grâce à l’observation d’enregistrements vidéos. D’une part, la fidélité inter-cotateurs était élevée, avec un effet bénéfique supplémentaire d’une standardisation du codage des expressions faciales joyeuses. D’autre part, la présence et le nombre d’expressions faciales joyeuses constituaient des variables en adéquation avec la catégorie émotionnelle et l’intensité exprimée pour la congruence émotionnelle faciale et en adéquation avec la catégorie de drôlerie pour l’appréciation de l’humour. L’intensité semblait constituer un indicateur pertinent sélectivement dans les études 3 et 4, pouvant s’expliquer par l’optimisation de la tâche de congruence émotionnelle faciale et par la standardisation du codage des expressions faciales. Chez les patients porteurs de tumeurs cérébrales, nos résultats suggèrent qu’une atteinte des expressions faciales joyeuses est fréquente, pouvant être observée sélectivement sans atteinte des jugements explicites. Chez les patients atteints de SEP-RR, nos résultats retrouvent une atteinte des jugements dans une prévalence élevée en termes de catégorisation émotionnelle (52%) et de compréhension de l’humour (32%). Bien que moins fréquente, une atteinte des expressions faciales joyeuses est apparue, en termes de congruence faciale joyeuse (36%) et d’appréciation de l’humour (8%), suggérant l’importance d’évaluer les capacités expressives cliniquement. De plus, les résultats suggèrent qu’une majorité des patients présentant une atteinte de la compréhension de l’humour présentent une préservation de son appréciation. Nous proposons une nouvelle modélisation du traitement de l’humour, comprenant l’existence d’une voie d’accès implicite pour accéder au ressenti d’amusement.